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Prud’hommes : le RGPD au secours de l’employeur

1. Le licenciement est le principal motif d’assignation des employeurs au prud’hommes

230 000 décisions sont rendues chaque année par le conseil de Prud’hommes. Dans 95% des cas le recours a été lancé par les salariés. D’après un rapport infostat d’août 2015, 93% des actions engagées au prud’hommes concernent la rupture du contrat de travail. La contestation porte sur un licenciement pour motif personnel dans 76% des cas.

2. Les données personnelles, un moyen de preuve crucial

Les données à caractère personnel constituent un moyen de preuve indispensable pour l’employeur en cas de licenciement pour motif personnel. Qu’il s’agisse d’absences injustifiées, de téléchargements illégaux, d’indiscipline, de harcèlement, vol, concurrence déloyale, détournement de clientèle ou diffamation, la faute du salarié est désormais majoritairement commise derrière les écrans.

L’employeur aura souvent besoin de recourir à des experts judiciaires (informatiques) et des huissiers pour collecter mails, adresses IP, logs et captures d’écran afin de prouver la faute et de pouvoir l’imputer au salarié concerné. Ces démarches, qui peuvent être complexes, ne sont pas suffisantes. L’employeur doit également s’assurer de la recevabilité des preuves ainsi obtenues aux prud’hommes.

3. Un licenciement peut-il être invalidé à cause du RGPD ?

Les salariés invoquent fréquemment le RGPD afin de contester la recevabilité des preuves apportées par l’employeur à l’appui du licenciement. La problématique de l’équilibre entre droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve de l’employeur est ancienne. L’essor des données personnelles comme moyen de preuve est par contre plus récent.

Dans une décision récente (Cass. soc. 25-11-2020 n° 17-19.523 FP-PBRI), la Cour de Cassation a récemment effectué un (léger) revirement de jurisprudence en faveur de l’employeur.

Jusqu’alors, la Cour jugeait que les moyens de preuve obtenus via un traitement de données personnelles illicite devaient être rejetés des débats. Devant se prononcer sur la recevabilité d’adresses IP collectées par l’employeur via un traitement de données personnelles illicite, la Cour a jugé en novembre 2020 que la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié et collectés via un traitement des données non conforme à la législation en matière de données personnelles pouvait être justifiée « à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Il s’agit d’une recevabilité sous condition. Une preuve obtenue en violation du RGPD sera écartée des débats si sa production ne présente pas un caractère indispensable et proportionnel au but poursuivi. Très souvent, les informations concernées représentent le principal (voire le seul) moyen de preuve de l’employeur pour caractériser la faute : si ces preuves sont irrecevables, le conseil des prud’hommes pourra considérer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

4. Le RGPD, une double protection pour l’employeur

La mise en conformité RGPD est une obligation. Elle constitue également une double protection de l’employeur vis-à-vis de ses salariés.

Premièrement, se mettre en conformité permet de limiter le le risque de condamnation administrative, étant entendu que la violation des droits des salariés en vertu du RGPD (droit d’accès, d’opposition, de rectification et de limitation, droit d’effacement) peut donner lieu à des procédures administratives ou juridictionnelles.

Deuxièmement, les données personnelles collectées au moyens de traitements conformes au RGPD constituent un moyen de preuve incontournable et un allié précieux pour limiter le risque de condamnation aux prud’hommes.

Certes, une mise en conformité RGPD nécessite de modifier ses procédures internes et d’amender de nombreux documents tels que contrats de travail, règlement intérieur, charte informatique, ou encore sa politique de confidentialité. Cependant, avec plus de sept chances sur dix d’être condamné en première instance aux prud’hommes (cf. rapport), pourquoi faire peut l’économie de preuves désormais incontournables pour caractériser le motif réel et sérieux du licenciement ?

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_Infostat_135_V_09_09_2015.pdf

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1119_25_45978.html

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